Le
21 juin, Sylvie et moi montons dans un avion spécialement
affrété par Daniel Filipacchi. Le 22 juin, pour fêter son
premier anniversaire, "Salut les Copains"
organise, place de la Nation, un concert gratuit. Pas
question de manquer à l'appel. Dès le début de
l'après-midi, la place est noire de monde. La Préfecture
de police prévoit cinq mille personnes. Ils sont plus de
cent cinquante mille. Impossible de passer. Nous arrivons
dans un car de flics. Les jeunes continuent d'affluer. Ils
s'accrochent aux lampadaires, aux arbres. Ils montent sur
les toits des immeubles et des paniers à salade.
Au
programme : les Gam's, Danyel Gérard, Frank Alamo, Richard
Anthony, les Chaussettes noires, les Chats sauvages, Sylvie
Vartan et moi. « La nuit de la Nation... »
Un
prélude aux grands rassemblements rock de la fin des
années 60 et des seventies. Une grande passerelle de bois
s'avance dans la foule. On m'interdit d'y aller. Trop
dangereux. C'est pourtant ce que je fais. L'ambiance est
indescriptible. On me tire par les jambes.
J'évite
les bras tendus. Une marée humaine qui danse et qui vibre.
Les forces de l'ordre sont vite débordées. Le show
dégénère. Et, pour une fois, pas à cause de moi. Le
chanteur Moustique, annoncé au programme, n'est pas au
rendez-vous. Des grappes de filles montent sur scène. Le
gigantesque podium dressé avenue du Trône est pris
d'assaut. Nous sommes encerclés, mais heureux.
Le
lendemain, dans la presse, tout le monde se fait descendre
en flammes : artistes, organisateurs, public.
Daniel Filipacchi, très cool, affirme : « Aucune formation
politique ou confessionnelle n'a jamais réussi à
mobiliser, en France, une telle armée de moins de vingt ans
».
Les médias du monde entier s'emparent de cette fabuleuse
nuit de la Nation.
Philippe Bouvard s'illustre par sa désormais légendaire
question incendiaire et débile: « Quelle différence entre
le twist et les discours d'Hitler au Reichstag ? »
Paris-Presse y va de son refrain : « 500 VOYOUS TERRORISENT
150000 SPECTATEURS ATTIRÉS PAR LES IDOLES DES JEUNES ! »
France-Soir n'est pas d'accord sur les chiffres: « 1 000
VOYOUS ET 149000 COPAINS POUR APPLAUDIR JOHNNY HALLYDAY,
SYLVIE VARTAN ET RICHARD ANTHONY ».
Edgar Morin, dans Le Monde, titre : « LE TEMPS DES YÉ-YÉ
». L'expression va rester.
Dans
Paris-Match :
Dans
Salut les Copains :
Cette
nuit-là, les jeunes ont véritablement brisé leurs
chaînes.